38.

La sensation

 

 

— Ce que j’en pense ?

— Oui. De la discussion que Jared et moi avons eue à l’instant, a précisé Ian. De ce qu’on s’est dit…

Je n’en savais rien… J’étais la première perdue !

D’une certaine manière, Ian voyait les choses comme moi, de mon point de vue d’« étrangère ». Il pensait que j’avais droit à une vie à moi.

Mais il était « jaloux » ? Avais-je bien entendu ? Jaloux de Jared ?

Il savait qui j’étais : une petite créature insérée à l’arrière du cerveau de Melanie. Une sorte de mille-pattes, comme ils disaient tous. Et pourtant, tous, même Kyle, pensaient que Ian avec le béguin pour moi. Pour « moi » ? C’était impossible.

Ou alors, il voulait savoir ce que je pensais de la petite expérience de Jared, ce que j’avais ressenti… Qu’est-ce qu’il attendait au juste, que je lui donne des détails anatomiques ? J’ai eu un frisson.

Ou bien il voulait savoir ce que je pensais de Melanie… ou ce que pensait Melanie de leur conversation… ou si je considérais moi aussi, comme Jared, que Melanie avait des droits…

Je ne savais que répondre à toutes ces questions.

— Je n’en sais rien.

Ian a hoché la tête, pensif.

— C’est compréhensible.

— Parce que tu es prêt à tout comprendre.

Il m’a souri. Son regard pouvait être si chaud et pénétrant parfois, même si ses iris étaient bleus comme la glace. Et, à cet instant, ses yeux étaient deux braises, deux braises bleues et ardentes.

— Je tiens beaucoup à toi, Gaby.

— Je commence juste à m’en rendre compte. Je dois être un peu lente d’esprit.

— C’est une surprise pour moi aussi.

Nous sommes tous les deux restés songeurs.

Il s’est pincé les lèvres.

— Et je suppose que c’est une chose dont tu ne sais pas non plus que penser.

— Non, je ne sais pas…

— Ce n’est pas grave. Tu n’as pas eu beaucoup de temps pour y songer. Et cela doit te paraître bien étrange.

J’ai acquiescé.

— Oui. Plus qu’étrange. Impossible, je dirais.

— Il faut que je sache quelque chose, a articulé Ian après un moment de silence.

— Si je connais la réponse.

— C’est une question délicate.

Il ne me l’a pas posée tout de suite. Il s’est d’abord penché vers moi et m’a pris la main. Il l’a tenue entre ses deux paumes pendant un moment, puis il a fait glisser ses doigts sur mon bras, du poignet jusqu’à l’épaule. Puis, tout aussi lentement, il a fait redescendre ses doigts. Il regardait ma peau plutôt que mon visage, observant la chair de poule qui y naissait dans le sillage de sa caresse.

— Que ressens-tu ? Est-ce agréable ou désagréable ?

Désagréable ! s’est exclamée Melanie.

Mais cela ne fait pas mal ! ai-je protesté.

Ce n’est pas ce qu’il te demande ! Quand il dit « agréable », ça veut dire… Ah, j’ai l’impression de parler à une enfant !

Je n’ai pas encore un an, je te rappelle ! Quel âge j’ai exactement ? Je tentais de me souvenir de la date.

Mais Melanie ne se laissait pas distraire : Quand il dit « agréable » il veut dire : est-ce pareil qu’avec Jared ? Le souvenir qu’elle a convoqué était antérieur à mon séjour dans les grottes. J’étais de retour dans le canyon magique, au coucher du soleil. Jared se tenait derrière moi et ses mains suivaient le contour de mes bras, des épaules aux poignets. Tout mon corps frissonnait à ce simple contact. Est-ce « agréable » comme ça ?

Oh

— Gaby ?

— Melanie répond « pas agréable », ai-je murmuré.

— Et toi, tu dis quoi ?

— Je… je n’en sais rien.

Quand j’ai osé lever les yeux vers lui, son regard était étonnamment doux.

— Je sais que tout cela doit être très troublant pour toi. Tu dois être totalement perdue.

Il était si compréhensif…

— Oui. Je suis perdue.

Il a recommencé à caresser mon bras.

— Tu veux que j’arrête ?

J’ai hésité.

— Oui. Ce que tu fais… ça m’empêche de réfléchir. Et Melanie est vraiment en colère contre moi. Ça aussi, ça m’empêche de réfléchir.

Je ne suis pas en colère contre toi mais contre lui ! Dis-lui de partir.

Ian est mon ami. Je ne veux pas qu’il s’en aille.

Je me suis redressée et j’ai croisé les bras sur ma poitrine.

— Elle ne te laisse pas une minute tranquille, n’est-ce pas ?

J’ai ri de bon cœur.

— Ça ne risque pas !

Ian a incliné la tête, et m’a regardée d’un drôle d’air.

— Melanie Stryder ?

Nous avons toutes les deux sursauté.

Ian a poursuivi :

— J’aimerais parler à Gaby en privé, si cela ne te dérange pas. Y a-t-il un moyen pour que tu nous laisses seuls ?

Dis-lui qu’il n’en est pas question ! Pas même en rêve ! Il ne manque pas d’air ! Décidément, ce type me sort par les yeux.

J’ai froncé le nez.

— Qu’a-t-elle dit ?

— Elle a dit non et… (J’ai essayé de rapporter ses paroles le plus gentiment possible.) Et qu’elle ne t’aime pas.

Ian a ri.

— C’est son droit le plus entier. Et je le respecte. Bon, qui ne tente rien n’a rien, n’est-ce pas ? (Il a lâché un soupir.) C’est sûr qu’en se sachant écouté, ça limite les choses.

Quelles choses ? a grogné Mel.

J’ai grimacé. Je n’aimais pas sentir sa colère. Elle était tellement plus violente que la mienne.

Tu t’y feras

Ian a posé sa main sur mon visage.

— Je vais te laisser réfléchir à tout ça, d’accord ? Pour que tu puisses savoir réellement ce que tu éprouves.

Je tentais d’être objective en ce qui concernait cette main… Elle était douce. C’était agréable. Pas comme lorsque Jared me touchait. Mais pas comme quand c’était Jamie non plus. C’était… différent.

— Il va me falloir un peu de temps. Je n’y comprends rien, tu sais.

— Je sais, a-t-il répondu en m’adressant un sourire.

Au moment où il m’a souri, je me suis aperçue que je voulais qu’il m’aime. Pour le reste – la main sur le visage, les caresses sur le bras – je n’en savais trop rien. Mais je voulais qu’il m’apprécie, ça oui, et qu’il pense à moi en bien. Voilà pourquoi il était si difficile de lui dire la vérité.

— Ce n’est pas vraiment moi que tu désires, ai-je murmuré. C’est juste ce corps… elle est jolie, pas vrai ?

Il a hoché la tête.

— Oui. Melanie est une jolie fille. Plus que ça. Belle. (Il a avancé la main pour caresser ma joue blessée, effleurer de ses doigts ma chair meurtrie.) Malgré ce que j’ai fait à son visage.

D’ordinaire, j’aurais réfuté cette affirmation. Je me serais empressée de lui rappeler que ces blessures n’étaient pas de son fait. Mais j’étais si troublée que je ne parvenais plus à articuler un mot.

Pourquoi ? Parce qu’il trouvait Melanie « belle » ?

Je suis piégée, à cause de toi ! me suis-je écriée en pensée. Je ne savais plus qui croire.

Ian a relevé les cheveux qui couvraient mon front.

— Mais, malgré sa beauté, elle reste une étrangère pour moi. Elle n’est pas celle à qui je tiens.

Ses paroles m’ont fait du bien, ce qui était plus troublant encore.

— Ian, tu ne peux pas continuer dans cette voie. Personne ici ne peut me dissocier de Melanie. Ni toi, ni Jamie, ni Jeb. (La vérité est sortie d’un coup, plus brutale que je ne l’aurais voulu.) Tu ne peux avoir ces sentiments pour moi. Si tu me tenais dans la main, tu serais dégoûté. Tu me jetterais par terre et tu m’écraserais sous ton pied.

Son front pâle s’est creusé, ses sourcils se sont rejoints au-dessus de son nez.

— Non, pas si je savais que c’est toi.

J’ai eu un rire amer.

— Comment pourrais-tu me reconnaître ? Tu ne sais pas nous différencier.

Il a fait la moue.

— C’est juste ce corps…, ai-je répété.

— Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas le visage, mais les expressions que tu y mets ; ce n’est pas la voix, c’est ce que tu dis. Ce n’est pas la plastique de ce corps, c’est ce que tu fais avec. C’est toi qui es belle.

Il s’est approché tout en parlant ; il s’est agenouillé devant le lit où j’étais assise et m’a pris la main à nouveau dans les siennes.

— Je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme toi.

J’ai soupiré.

— Ian… Et si j’habitais le corps de Maggie ?

Il a grimacé, puis a éclaté de rire.

— D’accord. C’est une bonne question. Je n’en sais rien.

— Ou celui de Wes ?

— Mais tu es une femme… toi aussi.

— J’ai toujours demandé à habiter mon équivalent sur la planète où j’arrivais. Cela me semblait plus normal. Mais j’aurais pu être insérée dans un homme et j’aurais fonctionné tout aussi bien.

— Mais ce n’est pas le cas.

— C’est là où je veux en venir… le corps et l’âme. Dans mon cas, ce sont deux entités différentes.

— Je ne voudrais pas du premier sans le deuxième.

— Allons, sans cette chair, tu ne voudrais pas de moi !

Il a touché à nouveau ma joue et a laissé sa main sur mon visage, le pouce sous mon menton.

— Mais ce corps fait partie de toi, non ? Il fait partie de ce que tu es. Et, à moins que tu ne changes d’avis et ne décides de nous quitter, ce corps restera le tien, jusqu’à la fin.

Jusqu’à la « fin ». Oui. Je mourrais dans ce corps. L’échéance inéluctable.

Et moi je ne vivrai plus jamais dans mon corps ! s’est lamentée Melanie.

Ni l’une ni l’autre n’avions prévu ça, n’est-ce pas ?

Non. Mais toi et moi, on ne pensait avoir aucun avenir.

— Encore une conversation interne ? a deviné Ian.

— Nous devisions sur notre statut d’être mortel.

— Tu peux vivre éternellement si tu nous quittes.

— Oui, je pourrais. (J’ai lâché un soupir.) Vous autres, les Hommes, avez l’espérance de vie la plus courte parmi les espèces que j’ai connues, à l’exception des Araignées. Vous avez si peu de temps…

— Je crois que… (Ian s’est interrompu et s’est penché vers moi ; je ne voyais plus que ses yeux, du noir et du saphir, auréolés de blanc.) Je crois que tu devrais profiter du peu de temps que tu as. Que tu devrais vivre tant que tu es en vie…

Je n’ai rien vu venir. Ian m’était moins familier que Jared. Melanie a compris avant moi. Une seconde avant que ses lèvres ne touchent les miennes !

Non !

Ce n’était pas comme embrasser Jared. Avec Jared, il n’y avait pas de pensée, seulement du désir. Aucune maîtrise. Une étincelle au-dessus d’un bidon d’essence. La déflagration était inévitable. Avec Ian, je ne savais trop ce que je ressentais. Tout était troublé, confus.

Ses lèvres étaient douces et chaudes. Il les pressait légèrement sur les miennes, me butinait avec délicatesse.

— Agréable ou pas ? a-t-il murmuré sur mes lèvres.

Dégueu ! Dégueu !

— Je… je ne peux pas réfléchir.

Les lèvres de Ian ne me quittaient pas.

— Agréable, je dirais…

Sa bouche s’est plaquée sur la mienne avec davantage de force. Il a attrapé ma lèvre inférieure entre les siennes et l’a aspirée doucement.

Melanie voulait le frapper. Elle était encore plus courroucée que lorsque Jared avait procédé à son « expérience ». Elle brûlait de repousser Ian et de lui donner des coups de pied au visage. Cette image était horrible. Le contraste avec la douceur du baiser était si violent !

— Je t’en prie…, ai-je soufflé.

— Oui ?

— Je t’en prie, arrête. Je ne peux plus penser. Je t’en prie.

Il s’est redressé aussitôt et a posé ses mains sur ses cuisses.

— D’accord, a-t-il articulé sur un ton prudent.

J’ai pressé mes mains sur mon visage, pour étouffer la colère de Melanie.

— Au moins, personne ne m’a frappé, a lancé Ian.

— Elle voulait que je fasse bien pire que ça. Berk ! Je n’aime pas quand elle est en colère. Cela me fait mal. Mal à la tête. Sa fureur est si… horrible.

— Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ?

— Parce que je n’ai pas perdu le contrôle. Elle parvient à prendre les rênes quand je suis… submergée par l’émotion.

Je me frottais le front, sous le regard de Ian.

Calme-toi, la suppliais-je. Il ne me touche plus.

Il a oublié que j’existe ? Il s’en fiche ou quoi ? Je suis là. Je suis là ! ! !

C’est ce que j’ai tenté de lui expliquer.

Et toi ? Tu as oublié Jared ?

Elle m’a jeté à l’esprit ses souvenirs, comme elle l’avait fait au début, mais cette fois, c’étaient autant de coups. Des milliers d’uppercuts : ses sourires, ses regards, ses lèvres sur les miennes, ses mains sur ma peau…

Bien sûr que non ! Dois-je te rappeler que tu ne voulais pas que je sois amoureuse de lui ?

— Elle te parle ? m’a demandé Ian.

— Elle me hurle dessus ! ai-je précisé.

— Je le vois à présent ! Je vois quand tu es en conversation avec elle. Je ne l’avais pas remarqué auparavant.

— Parfois, elle est plus calme.

— Melanie… je suis désolé. Je sais que ça doit être insupportable pour toi.

À nouveau, je me suis vue envoyer mon pied dans son nez parfait, je l’ai vu exploser comme celui de Kyle. Dis-lui qu’il aille au diable !

La violence des images m’a fait tressaillir.

— J’en conclus qu’elle ne veut pas de mes excuses…, a articulé Ian avec un sourire mi-figue mi-raisin.

J’ai confirmé de la tête.

— Alors comme ça, elle peut prendre les commandes quand tu es submergée par l’émotion…

— Parfois, par surprise, quand l’émotion est trop forte… alors mes défenses volent en éclats… Mais cela lui a été plus difficile dernièrement. C’est comme si une porte s’était fermée entre nous. J’ignore pourquoi. Je voulais qu’elle prenne les rênes quand Kyle… (Je me suis interrompue brusquement et j’ai serré les dents.)

— … quand Kyle a tenté de te tuer, a-t-il terminé pour moi. Tu voulais la laisser agir ? Pourquoi ?

Je l’ai regardé.

— Pour te défendre, c’est ça ?

Je n’ai pas répondu.

— D’accord, a-t-il répondu en soupirant. Ne me raconte rien. Et pourquoi penses-tu qu’une porte s’est fermée ?

— Je l’ignore. Peut-être à cause du temps qui passe. Plus ça va, plus c’est compliqué.

— Mais elle a déjà brisé ses chaînes pour frapper Jared.

— C’est vrai. (J’ai tremblé en revoyant mon poing frapper la mâchoire.)

— Parce que l’émotion était trop forte ?

— Oui.

— Qu’a-t-il fait ? Il t’a juste embrassée ?

J’ai acquiescé.

Ian a chancelé. Il a plissé les yeux sous le choc.

— Quoi ? ai-je demandé. Que se passe-t-il ?

— Quand Jared t’a embrassée, tu as été… submergée par l’émotion…

Je l’ai observé. Il avait l’air blessé ; je n’aimais pas ça. Melanie était aux anges. Exactement ! Rien qu’avec un baiser !

Ian a poussé un soupir.

— Et quand je t’ai embrassée, tu n’étais pas sûre d’aimer ça. Tu n’as pas été émue.

— Oh… (Ian était jaloux ! Quel monde bizarre !) Je suis désolée.

— Ne le sois pas. Je t’ai dit que je te donnerais du temps et cela ne me dérange pas d’attendre que tu mettes de l’ordre dans tes pensées. Pas du tout.

— Quel est le problème alors ?

Ian a pris une profonde inspiration.

— J’ai vu comme tu aimais Jamie. Ça se voyait comme le nez au milieu de la figure ! J’aurais dû voir que tu aimais Jared aussi. Peut-être ai-je préféré être aveugle. C’est pourtant logique ; tu es venue ici pour ces deux-là. Tu les aimes tous les deux, comme Melanie. Jamie comme un frère et Jared comme…

Il a détourné les yeux et a levé la tête, le regard perdu par-delà les murs. J’ai détourné le regard aussi. Un rayon de soleil touchait la porte.

— Quelle est la part de Melanie ?

— Je ne sais pas. C’est important ?

Il a répondu d’une voix presque inaudible :

— Oui. Ça l’est pour moi. (Sans me regarder, sans même se rendre compte de ce qu’il faisait, Ian m’a pris la main.)

Il est resté silencieux pendant un long moment. Même Melanie ne disait rien. C’était gentil de sa part.

Puis, comme si un interrupteur avait été actionné, Ian est redevenu égal à lui-même. Il a ri.

— Le temps œuvre pour moi. (Il m’a souri.) Nous allons passer le reste de notre vie ici. Un jour ou l’autre, tu vas ouvrir les yeux et te demander ce que tu as bien pu trouver à Jared !

Dans tes rêves ! a raillé Melanie.

J’ai ri avec lui, heureuse de le voir retrouver sa bonne humeur.

— Gaby ! Gaby ? Je peux entrer ?

C’était la voix de Jamie qui résonnait dans le couloir, accompagnée par le son trépidant de ses pas.

— Bien sûr, Jamie.

Je tendais déjà la main vers lui avant qu’il ne se faufile entre les deux battants. Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas vu. Inconsciente ou convalescente… Le temps avait filé…

— B’jour Gaby, B’jour Ian. (Jamie était tout sourires, ses cheveux en bataille ondulaient à chacun de ses pas. Il s’est dirigé vers ma main tendue, mais Ian était sur son passage. Il s’est donc installé sur le bord du matelas et a posé sa main sur mon pied.)

— Comment tu te sens ?

— Mieux.

— Tu n’as toujours pas faim ? Il y a du bœuf et du maïs au menu ! Je peux t’en rapporter si ça te dit.

— Ça va pour le moment. Et toi ? Ça fait longtemps que je ne t’ai pas vu.

Jamie a roulé des yeux.

— Sharon m’a puni.

J’ai esquissé un sourire.

— Qu’est-ce que tu as fait ?

— Rien du tout ! (Je n’étais pas dupe. Il clamait un peu trop fort son innocence.) Au fait, à midi, Jared disait qu’il n’était pas juste que tu doives quitter la chambre que tu occupais. Selon lui, nous manquions à tous nos devoirs d’hôtes. Il a proposé que tu reviennes dormir avec moi ! C’est super, non ? Je lui ai demandé si je pouvais aller t’annoncer la nouvelle et il a dit oui. C’est lui qui m’a dit où je pouvais te trouver…

— Le contraire m’eût étonné ! a raillé Ian en sourdine.

— Alors Gaby ? Tu es contente ? On va partager de nouveau la même chambre !

— Et Jared, où va-t-il dormir ?

— Laisse-moi deviner, a lancé Ian. Je parie que la chambre est assez grande pour trois. Je me trompe ou non ?

— Hé, comment tu as deviné ?

— Oh, pur hasard.

— Alors, c’est d’accord, Gaby ? Ce sera comme avant… tous les trois ensemble…

À ces mots, j’ai eu l’impression qu’une lame de rasoir m’ouvrait le ventre. Une douleur nette, chirurgicale.

Jamie m’a vue pâlir.

— Oh, non… je veux dire avec toi aussi. Ce sera bien. Tous les quatre.

J’ai voulu sourire pour chasser la douleur ; mais le mal était fait.

Ian a serré ma main.

— Tous les quatre, ai-je ânonné. Oui, ce sera bien.

Jamie a rampé sur le matelas, contournant Ian comme un ver de terre, pour passer ses bras autour de mon cou.

— Excuse-moi. Ne sois pas triste.

— Tout va bien.

— Je t’aime aussi, tu sais.

Elles étaient si vives, si fortes, les émotions sur cette planète – des traits qui vous transperçaient de part en part ! Jamie ne m’avait jamais dit « je t’aime ». Une nouvelle chaleur a nimbé tout mon corps.

Oui… si fortes, a confirmé Melanie, elle aussi transpercée.

— Tu vas revenir, dis ? m’a suppliée Jamie.

Je ne pouvais lui répondre tout de suite.

— Que veut Mel ? a-t-il demandé.

— Vivre avec vous, ai-je murmuré. (Nul besoin de la consulter pour le savoir.)

— Et toi ?

— Non, toi, dis-moi : tu veux que je vive avec toi ?

— Je le veux, Gaby. S’il te plaît, dis oui.

J’hésitais.

— S’il te plaît.

— Si c’est vraiment ce que tu veux, Jamie, c’est d’accord.

— Youpi ! s’est exclamé Jamie en me crevant le tympan. Génial ! Je vais aller le dire à Jared ! Et je te rapporte à manger, d’ac ?

— D’accord.

— Tu as besoin de quelque chose, Ian ?

— Oui, gamin… que tu dises à Jared qu’il ne manque pas de culot.

— Quoi ?

— Oublie ça. Va chercher à manger pour Gaby.

— Tout de suite ! Et je demanderai à Wes qu’il nous passe son lit supplémentaire. Kyle pourra revenir ici et tout redeviendra normal !

— Parfait, a dit Ian. (Je n’avais pas besoin de le regarder pour connaître l’expression de son visage.)

— Parfait, ai-je murmuré, et j’ai senti le fer du trait me transpercer à nouveau.

Les ames vagabondes
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